Lespresses universitaires de lâUniversitĂ© Catholique San Antonio de Murcia â Espagne â publient un essai de Magdalena Padilla GarcĂa sur un texte de Georges Bernanos Les grands cimetiĂšres sous la lune : livre rĂ©digĂ© sur lâĂźle BalĂ©are de Majorque entre juillet 1936 et janvier 1937 et publiĂ© Ă Paris en 1938. SpĂ©cialiste de littĂ©rature française, lâuniversitaire espagnole
Ilpourrait ĂȘtre remplacĂ© par la pose de sabots pour immobiliser le vĂ©hicule, ou mĂȘme la crevaison des 4 pneus!Pour en revenir Ă cette histoire, pour moi, tous les torts sont Ă cette bonne femme, qui non seulement se gare n'importe comment, mais en plus laisse sa fille de 10 ans dormir dans sa voiture, et laisse le moteur en marche!Trois infractions trĂšs graves
Georges Bernanos, Histoire dâun homme libre » Diffusions et festivals Diffusions : - ChaĂźne « France 3 Hauts-de-France » (septembre et octobre 2019 - diffusions Ă venir courant 2020) - ChaĂźne « Weo » (diffusions Ă venir courant 2020) SĂ©lections en festivals : - SĂ©lectionnĂ© au Festival international CinĂ©ma et LittĂ©rature de Safi - Maroc (octobre 2019) - SĂ©lectionnĂ© au
GeorgesBernanos, histoire dâun homme libre Le documentaire, « Georges Bernanos â Histoire dâun homme libre », qui vient dâĂȘtre rĂ©alisĂ© par Yves Bernanos et Jean-Pascal Hattu (cliquer sur lâaffiche du film pour consulter le dossier de presse), sera diffusĂ© sur France 3 Hauts-de-France le lundi 30 septembre, Ă 22h35. La chaine rĂ©gionale est accessible sur toutes les box, sur
etAuteur : Benoßt Jean-Pierre. Réinitialiser. Saut de ligne
Bernanosne sâadresse pas Ă ceux qui Ă©prouveraient le besoin dâĂȘtre rassurĂ©s, confortĂ©s dans leurs habitudes de penser, mais Ă ceux âqui veulent courir le risque de penser par eux-mĂȘmesâ. A ces derniers il nâa pas de âconsignes Ă donnerâ, mais il essaie de leur âouvrir un cheminâ. La RĂ©volution Ă©galement est un risque.
lesite de lâAssociation Internationale des Amis de Georges Bernanos. Le titre de cet hommage reprend celui du documentaire « Georges Bernanos, Histoire dâun homme libre », rĂ©alisĂ© en 2019 par Yves Bernanos et Jean-Pascal Hattu et qui sera diffusĂ© le lundi 30 septembre 2019, Ă 22h35, sur France 3 Hauts-de-France.
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1Au regard du nombre dâĂ©tudes portant sur les connecteurs, il est assez surprenant de constater que la locution prĂ©positive » [1] histoire de nâa non seulement jamais fait lâobjet dâune Ă©tude particuliĂšre, mais, plus encore, est trĂšs souvent absente des diffĂ©rentes listes de connecteurs dit argumentatifs », que ces listes soient proposĂ©es dans les Ă©tudes sur la notion mĂȘme de connecteur, ou dans celles sur la locution prĂ©positive, ou encore dans celles sur la grammaticalisation. Ainsi, lâouvrage rĂ©cent de Gross et Prandi 2004 dont un des nombreux mĂ©rites est de montrer la grande diversitĂ© des moyens dâexpression de la finalitĂ©, ne recense pas ce connecteur, pourtant dâun emploi courant Ă lâ article [2] propose donc un examen de histoire de tant au niveau de la caractĂ©risation de son statut catĂ©goriel â qui pose, comme nous le verrons, de multiples problĂšmes â quâau niveau de son fonctionnement discursif. Pour ce dernier point, la base Frantext non catĂ©gorisĂ©e constitue un observatoire bien commode, qui permettra non seulement de dater les premiers emplois de la forme elle-mĂȘme, mais de repĂ©rer Ă©galement des formes sĆurs » par exemple lâhistoire de rire, dâanalyser les contextes Ă©nonciatifs, et enfin dâidentifier les caractĂ©ristiques sĂ©mantiques des co-occurrences essentiellement le prĂ©dicat infinitival Ă droite de lâexpression. La nature de ces co-occurrences se rĂ©vĂ©lera fondamentale pour aborder lâinterprĂ©tation du Statut Quelle dĂ©nomination pour quel statut ?3Histoire de est identifiĂ© comme locution prĂ©positive par la plupart des dictionnaires et les rares travaux de linguistique qui mentionnent ce connecteur par ex. MĂ©lis 2003. Apparemment, ce statut grammatical ne donne pas lieu Ă dĂ©bat, si on suppose quâune locution prĂ©positive se dĂ©finit intuitivement comme une suite de mots formant une unitĂ© qui remplit en tant que telle la fonction dâune prĂ©position MĂ©lis 2003, 109. On peut dans un premier temps considĂ©rer que histoire de est constituĂ© dâune suite polylexicale formant un tout enregistrĂ© comme tel dans les dictionnaires, composĂ©e du nominal histoire et de la prĂ©position de. La locution est donnĂ©e comme Ă©quivalent fonctionnel de pour par ex. Le Petit Robert â sans quâil y ait nĂ©cessairement rĂ©ciprocitĂ©, mĂȘme si les exemples ci-dessus montrent une construction diffĂ©rente une construction liĂ©e » avec pour, une construction dĂ©tachĂ©e avec histoire de 1Nous irons au cirque pour nous changer les idĂ©es1âNous irons au cirque, histoire de nous changer les idĂ©es4Dans ce qui suit, nous remettons en cause, pour deux raisons, le terme de locution prĂ©positive appliquĂ© comme dĂ©signateur de histoire premiĂšre raison a dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour dâautres connecteurs ; par exemple Gross et Prandi 2004 Ă propos de afin de et de afin que rappellent que la diffĂ©rence entre ces deux formes nâest pas imposĂ©e par une nature grammaticale distincte locution prĂ©positive et locution conjonctive, mais par une contrainte sĂ©mantico-grammaticale bien connue la corĂ©fĂ©rence ou non entre le sujet de la principale et celui de la subordonnĂ©e. De ce fait, il nây a pas de diffĂ©rence de nature entre afin de et afin que. Le raisonnement vaut Ă©videmment pour histoire de et histoire que [3]. On perçoit donc une limite Ă la terminologie classique qui, en sâappuyant sur des critĂšres morphologiques plutĂŽt que fonctionnels, oblitĂšre le fait que nous avons affaire Ă un mĂȘme type qui se rĂ©alise de deux façons second point a trait Ă lâĂ©lĂ©ment de » dans la composition histoire de. Nous considĂ©rons, au vu de la remarque prĂ©cĂ©dente, cet Ă©lĂ©ment comme un complĂ©menteur plutĂŽt que comme une prĂ©position pleine. Mais la question importante est de savoir si ce complĂ©menteur est vĂ©ritablement constitutif de la locution ; ou, dit autrement, si histoireet de forment bien un tout, une locution. Adler 2001 a attirĂ© lâattention sur ce problĂšme Ă propos de locutions prĂ©positives » autres que histoire de, en sâappuyant sur une argumentation qui sâapplique Ă©galement ici. Un certain nombre de tests simples appliquĂ©s Ă Ă cause de, au lieu de, en dĂ©pit de montrent que de ne peut vĂ©ritablement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme faisant partie de ces locutions il est seulement sĂ©lectionnĂ©, de mĂȘme que les verbes transitifs indirects ou les adjectifs dits âtransitifsâ apte Ă , capable de sĂ©lectionnent leur prĂ©position, et Ă travers elle, rĂ©gissent un complĂ©ment » Adler 2001, 162. Ainsi, la coordination ex. 2 et 2â, lâemploi dâune expression extraprĂ©dicative ex. 3 et 3â, ou encore lâalternance avec que selon la co-rĂ©fĂ©rence ou non entre les deux sujets.2Il a rĂ©ussi en dĂ©pit de sa maladie et de son Ă©tat moral ex. dâAdler2âCette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. Ă. Zola, La Terre, 18873Il a rĂ©ussi en dĂ©pit, dâailleurs / dit-il, de sa maladie. ex. dâAdler3âCette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire, dâailleurs / dit-il, de flĂąner et de causer un exemples ci-dessus indiquent que de » nâest pas soudĂ©, mais seulement gouvernĂ©. De lĂ , on ne peut le considĂ©rer raisonnablement comme Ă©lĂ©ment de la locution. Si la notion de locution peut rester pertinente pour en dĂ©pit, au lieu, etc., en raison de la premiĂšre prĂ©position qui, elle, reste soudĂ©e mais cette perspective nâest pas celle de Adler qui a une conception de la locution comme construction figĂ©e Ă des degrĂ©s divers â lâauteur prĂ©fĂšre donc parler de prĂ©positions simples pour Ă cause, au lieu, en dĂ©pit, elle nâest plus du tout pertinente pour histoire difficile, en effet, de considĂ©rer le morphĂšme histoire comme une voit bien le problĂšme terminologique que nous rencontrons dâune part, le terme de prĂ©position, ou mĂȘme lâadjectif prĂ©positive sont trop restrictifs dans la mesure oĂč, au regard de lâemploi conjonctif, on doit parler de rĂ©alisations diffĂ©rentes dâun mĂȘme type ; dâautre part, la notion de locution nâest plus pertinente. Nous parlerons donc simplement de connecteur, avec, Ă©videmment, les inconvĂ©nients bien connus dâun emploi trop FinalitĂ© ou causalitĂ© ?9Sans surprise, le discours lexicographique voit en histoire de [4] un introducteur de proposition finale. Mais lâidĂ©e de finalitĂ© inhĂ©rente Ă histoire de semble insuffisante. Ainsi, le Dictionnaire du Français usuel de Picoche et Rolland, introduit la notion de justification 10Histoire de + verbe Ă lâinfinitif fam. explication donnĂ©e par A1 Ă A2 pour justifier une action. Jâai agi ainsi, histoire de voir comment tu et justification sont des relations discursives relevant gĂ©nĂ©ralement de la cause ; par exemple, J. Hobbs 1990 fait de lâexplication un cas de relation causale. Mais on peut trĂšs bien concevoir quâune visĂ©e le procĂšs Y dans X, histoire de Y serve dâexplication Ă un acte X. Nous adopterons la catĂ©gorie aristotĂ©licienne [5] de cause finale pour caractĂ©riser la valeur de cohĂ©rence entre Y et X. En effet, comme nous lâavions montrĂ© dans Legallois 2006b, la valeur intentionnelle de X et la constitution de Y comme procĂšs Ă rĂ©aliser cf. les formes infinitivales ou le subjonctif [6] doivent ĂȘtre compris selon le schĂ©ma tĂ©lĂ©ologique suivant Lâintention de faire Y est Ă lâorigine de lâidĂ©e que Y est bien une motivation en mĂȘme temps que la cible de X. Ce schĂ©ma sâapplique Ă©videmment Ă dâautres connecteurs finaux, mais permet de prĂ©ciser le type de finalitĂ© dont il est question CaractĂ©ristiques13Si on considĂšre bien histoire de comme un mot grammatical, câest en raison uniquement de son Ă©quivalence fonctionnelle avec les prĂ©positions pour recouvrement partiel, afin de, dans lâobjectif de, dans le but de, dans lâintention de recouvrement total, et non pour son refus dâune modification adjectivale ou de la flexion du pluriel, puisque certains emplois nominaux observent la mĂȘme contrainte [7] ; par exemple 4Dans la * longue histoire, jâai oubliĂ© mes clefs chez Jacques5Câest une * petite histoire de minutes14Mais histoire de est manifestement un hapax grammatical. Il est en effet peu envisageable de rapprocher sa forme dâune autre expression. Les prĂ©positions nominales, par exemple, ont un fonctionnement discursif diffĂ©rent [thĂ©matisation 6, caractĂ©risation 7] et sĂ©lectionnent un nom 6Question / point de vue / cĂŽtĂ© science-fiction, il en connaĂźt un rayon7Un film genre / style James Bond15Faute de + inf. possĂšde une forme proche dĂ©tachement et construction infinitive. NĂ©anmoins, la construction faute que + subj. ne semble pas recevable, et histoire de ne peut ĂȘtre suivi par un nom sauf lâexemple atypique de 9.16On pourrait Ă©galement comparer histoire de au connecteur crainte de / que il est composĂ© dâun Ă©lĂ©ment nominal sans dĂ©terminant, il gouverne une proposition, il est construit par dĂ©tachement. Mais quelques traits plus ou moins dĂ©cisifs lâen distinguent comme le remarquent Gross et Prandi 2004, crainte de est dâun emploi littĂ©raire, alors que histoire de est recensĂ© comme familier ; il y a effacement il sâagit en fait du cas le moins frĂ©quent dâune prĂ©position avant crainte de / que par crainte de / de crainte de ; histoire de ne peut ĂȘtre prĂ©cĂ©dĂ© dâune prĂ©position. De plus crainte de connaĂźt la concurrence de la locution apparentĂ©e dans la crainte de 8Les Français se sont dĂ©sistĂ©s, dans la crainte de dĂ©penses excĂ©dant leurs faibles revenus ex. de Gross et Prandi 2004,17Histoire de ne peut connaĂźtre une telle concurrence. Crainte de peut introduire un GN, ce qui nâest pas possible pour histoire de, exceptĂ© cet emploi particulier et unique Ă notre connaissance relevĂ© par le TLF 9Jâai remis chez vous, en allant au chemin de fer, vos deux volumes non enveloppĂ©s, histoire de la grande prĂ©cipitation oĂč jâĂ©tais P. MĂ©rimĂ©e, Lettre Ă une Inconnue, 1858, t. 2.18On peut considĂ©rer cet emploi purement causal comme un calque de faute de + N / crainte de + diffĂ©rence, morphologique celle-ci, crainte est un dĂ©verbal, ce qui nâest pas le cas dâhistoire ; de plus, crainte reste sĂ©mantiquement transparent Gross et Prandi 2004 classent crainte de parmi les prĂ©dicats finaux de sentiment, alors que la signification de histoire est opaque dans cet concluons de ces observations rapides que histoire de constitue un hapax grammatical [8].2. Observation des occurrences dans la base Frantext21Nous avons procĂ©dĂ© au recensement exhaustif des 372 emplois du connecteur dans la base non catĂ©gorisĂ©e de Frantext. Ce recensement permet non seulement la datation des premiers emplois, mais Ă©galement de proposer quelques hypothĂšses sur la grammaticalisation du Datation des premiers emplois22La forme du premier emploi identifiĂ© est assez surprenante lâhistoire de rire, 1831, avec donc une dĂ©termination ;10CâĂ©tait, mon lieutenant, lâhistoire de rire⊠pour lors jâen arrĂȘte une par les cheveux et je lâembrasse⊠E. Sue, Atar-Gull, 183123On trouve deux autres fois dans Frantext [9] cette mĂȘme forme Ă la mĂȘme Ă©poque, dans le mĂȘme contexte des avances plus ou moins prononcĂ©es faites Ă des femmes et dans la mĂȘme construction ; toujours chez Sue en 1843 11âŠsi Alfred savait cela ?Ne mâen parlez pas, le sang me tourne rien que dây songer. Alfred est jaloux comme un BĂ©douin ; et pourtant, de la part du pĂšre Joseph, câest lâhistoire de rire, en tout bien, tout honneur. E. Sue, Les MystĂšres de Paris, 184324Mais Ă©galement chez Sand 1844 12Ce baiser sur la main ne tâa pas offensĂ©e ?â Oh ! Je voyais bien que ce monsieur ne voulait pas mâoffenser ; câĂ©tait lâhistoire de rire. G. Sand, Jeanne, 184425On ne peut faire ici que des conjectures soit, il sâagit dâune modification idiosyncrasique du connecteur histoire de, et une remotivation du statut nominal de histoire. Cela dĂ©montrerait que histoire de est dĂ©jĂ prĂ©sent dans le discours oral populaire avant 1830, sans ĂȘtre toutefois tout Ă fait stabilisĂ©. Soit ces extraits tĂ©moignent dâune Ă©tape dans la grammaticalisation, la forme lâhistoire de + infinitif dĂ©sormais disparue, dont nous nâavons que quelques attestations. Seul un examen plus prĂ©cis de la littĂ©rature populaire des annĂ©es 1820-1830 [10] pourrait ĂȘtre Ă©clairant, et permettrait dâargumenter en faveur de telle ou telle que la notion de grammaticalisation est, pour le cas de histoire de, sans doute mal appropriĂ©e puisquâil est impossible dâobserver avec certitude une forme libre constituant la base de cette autres occurrences, plus tardives, ont Ă©tĂ© repĂ©rĂ©es ; toujours dans le mĂȘme contexte 13ce nâest pas tant lâhistoire de regarder les femmes. Chez nous autres, on peut ĂȘtre sauvĂ© malgrĂ© les femmes. Un rabbin peut avoir une femme. G. Duhamel, Le Jardin des bĂȘtes sauvages, 193428Ou dans un autre 14si le vent ne fraĂźchit pas trop, je viendrai peut-ĂȘtre vous rĂ©veiller cette nuit, pour lâhistoire de rire, dit-elle. G. Bernanos, Un crime, 193529Ces emplois, certes trĂšs circonstanciĂ©s, pourraient avoir le mĂ©rite dâexhumer le passage dâune forme nominale figĂ©e Ă la forme grammaticale, ainsi, dâailleurs, que dâexhiber la tension entre les deux formes. Lâexemple de Bernanos, difficile Ă analyser en raison de son idiomaticitĂ©, semble ressusciter la prĂ©position causale pour, et plaiderait ainsi en faveur dâun effacement double prĂ©position et article dans le processus de grammaticalisation qui conserverait la trace de la causalitĂ©. Cependant, les exemples beaucoup plus anciens de Sue et Sand, donc plus prĂšs de lâorigine du connecteur, ne sont pas construits avec pour. En fait, dans Legallois 2006b, nous avons montrĂ© que lâidĂ©e de causalitĂ©, mais aussi de finalitĂ©, est inhĂ©rente au morphĂšme histoire. Un double marquage apparaĂźt donc ailleurs, dans le roman de F. SouliĂ© Les MĂ©moires du diable 1837, on peut Ă©ventuellement miser sur un indice en faveur de lâapparition de la construction histoire de vers les annĂ©es 1820-1830 non seulement parce que le premier emploi sans dĂ©termination est identifiĂ© dans ce roman de 1837 ainsi que dans CĂ©sar Birotteau 1837 de Balzac, mais aussi parce quâĂ plusieurs reprises, un personnage facĂ©tieux, prononce avant ses mĂ©faits, lâexpression histoire de rire. Elle constitue, comme le prĂ©cise Ă quatre reprises le narrateur, un infatigable refrain, un fameux mot qui devient diabolique 15ce mot rebutant quâil jette comme moralitĂ© au bout de toutes ses actions ; ce mot histoire de rire ! est souvent aussi sombre que le mot du trappiste frĂšre, il faut mourir ! F. SouliĂ©, Les MĂ©moires du diable, 183731On peut penser que lâexpressivitĂ© de ce mot » prononcĂ© aprĂšs que le personnage a produit des mauvaises actions, est redevable Ă son emploi sarcastique et sardonique, mais Ă©galement Ă sa rĂ©cence, Ă un moment oĂč la grammaticalisation a certes opĂ©rĂ© mais oĂč la nouveautĂ© surprend encore. LĂ encore, Ă©videmment, il sâagit dâune hypothĂšse de lecture. Nous notons encore lâusage unique dans ce roman, de la forme16Cependant toutes les farces de cet homme nâont pas eu pour but une vengeance ; lâhistoire de rire est le grand principe de ses tours. F. SouliĂ©, Les mĂ©moires du diable, 183732qui tĂ©moigne spectaculairement de la motivation nominale de la forme grammaticale. Le terme principe ici sâaccorde bien avec lâidĂ©e relevĂ©e plus haut dâune cause premiĂšre, donc dâune cause Contextes Ă©nonciatifs33Tous les premiers emplois apparaissent dans du discours direct, et ont pour locuteurs des personnages du peuple » sâexprimant dans un français familier. Notons Ă©galement que ces occurrences se situent dans le roman populaire feuilletonesque Sue, SouliĂ©, ou bien dans le roman rĂ©aliste Balzac, et non dans la littĂ©rature romantique de la mĂȘme Ă©poque aucun emploi de histoire de chez Stendhal ou chez Hugo [11]. Tout cela atteste, sâil en est, du caractĂšre familier et oral de lâexpression. Sauf erreur de notre part, le premier emploi identifiĂ© dans la narration avec un narrateur extradiĂ©gĂ©tique dans une narration sans je » â et non plus dans le discours direct â date de 1877, dans lâAssommoir de Zola Ă sept reprises. Par exemple 17Le soir mĂȘme, le zingueur amena des camarades, un maçon, un menuisier, un peintre, de bons zigs qui feraient cette bricole-lĂ aprĂšs leur journĂ©e, histoire de rendre service. Ă. Zola, LâAssommoir, 187734On constate que ces occurrences sont employĂ©es dans le discours indirect libre Dil. Le Dil, en plein essor Ă cette Ă©poque, constitue, en ce qui concerne le texte Ă©crit, un procĂ©dĂ© puissant pour une promotion du connecteur il permet la transition dâun emploi oral, reprĂ©sentĂ© dans les dialogues, vers des emplois de plus en plus indĂ©pendants du dialogal dâabord dans le Dil, oĂč la voix Ă©nonciative est encore celle dâun personnage, puis dans la narration ou lâĂ©nonciateur est le narrateur extradiĂ©gĂ©tique. On peut penser que ce nouvel usage tĂ©moigne dâune diffusion massive et dâune bonne intĂ©gration du connecteur dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe dans les Ă©crits DĂ©tachement35Mis Ă part quelques cas de ponctuation particuliĂšre et la structure clivĂ©e qui procĂšde par elle-mĂȘme Ă une sorte de dĂ©tachement câest histoire de rire, toutes les occurrences recensĂ©es se manifestent dans des constructions dĂ©tachĂ©es [12]. Le dĂ©tachement est le plus souvent matĂ©rialisĂ© par une virgule, mais aussi par les parenthĂšses, les deux points, une phrase construction dĂ©tachĂ©e est lâindice dâune prise en charge Ă©nonciative ; on peut la considĂ©rer comme une reprĂ©sentation iconique dâun dĂ©crochage Ă©nonciatif. En effet, le dĂ©tachement permet de mimer une pause dĂ©libĂ©rative, un moment de rĂ©flexion conduisant Ă re-Ă©valuer a posteriori X comme un procĂšs intentionnellement orientĂ© vers la rĂ©alisation de Y, dâoĂč lâeffet de justification ou dâexplication selon les contextes. Il ressort de cette observation que la responsabilitĂ© de la justification / explication par la cause finale incombe au locuteur, et non au rĂ©fĂ©rent sujet de la phrase sauf bien sĂ»r, si les deux coĂŻncident. Les co-occurrents37Outre le dĂ©tachement, un des points fondamentaux Ă souligner est le type de prĂ©dicat Ă lâinfinitif. Ainsi, on observe que sur les 372 emplois, le verbe intransitif rire et ses synonymes apparaĂźt 64 fois [13], voir intransitif et ses synonymes 18 fois, causer intransitif et ses synonymes 17, passer le temps et ses synonymes 18 et boire / manger 13. MĂȘme si moins frĂ©quentes, dâautres co-occurrences sont observables se dĂ©gourdir les jambes, soufflerâŠ. Histoire de rire et les autres prĂ©dicats inconsistants » Y comme intention limitĂ©e38Histoire de rire [14] est employĂ© de façon massive ; on peut considĂ©rer quâil sâagit dâune collocation Ă lâentrĂ©e rire le Petit Robert et le TrĂ©sor de la Langue française informatisĂ© donnent histoire de rire. Incontestablement, tous les premiers emplois du connecteur sĂ©lectionnent le verbe rire et constituent une alternative Ă pour rire, une autre collocation pour de rire apparaĂźt dans Frantext chez E. Sue, en 1845, soit approximativement Ă la mĂȘme Ă©poque que histoire de. Dans cet emploi, rire mais aussi les autres co-occurrents rĂ©currents â boire / manger, voir, passer le temps, etc. constitue ce que nous appellerons un procĂšs inconsistant », câest-Ă -dire un procĂšs qui ne possĂšde pas dâeffets ou de consĂ©quences notoires. DâoĂč cette valeur si le procĂšs est inconsistant, lâintention qui est Ă son origine ne peut ĂȘtre elle-mĂȘme quâune intention simple. Ainsi, justifier lâaction X par lâintention de rĂ©aliser un procĂšs inconsistant, permet de circonscrire X dans un cadre limitĂ©, sans effets pourrions aller jusquâĂ dire que dans certains emplois, lâĂ©nonciateur nâessaye pas vĂ©ritablement de donner les explications ou justifications dâun procĂšs, mais quâil les donne tout de mĂȘme, en manifestant cependant par lâemploi de motifs stĂ©rĂ©otypĂ©s son indiffĂ©rence ou son dĂ©tachement envers cette justification. Câest ce que montre, selon nous, lâemploi avec un complĂ©ment Ă de 25 cf. plus bas frĂ©quent Ă lâ encore quâun complĂ©ment inconsistant » est Ă©galement une valeur prĂ©sente dans certains emplois nominaux figĂ©s 18Câest une histoire de minutes19Câest lâhistoire dâune minute ou deux20Câest lâhistoire dâun ou deux couverts de plus41La quantification est nĂ©cessairement vue comme nĂ©gligeable, peu consistante », dans les emplois quâil faudrait rapprocher de 10, 11, ailleurs, lâemploi relativement frĂ©quent 40 / 367 dâun quantificateur faible » ou dâun dĂ©terminant indĂ©fini est tout Ă fait congruent avec la valeur dâinconsistance. Par exemple 21Histoire de prendre un peu lâair, je suis allĂ© manger un morceau en ville. Ph. Djian, 37Ë2 le matin, 198522Il paraĂźt quâil sâĂ©tait mis en colĂšre une seule fois, mais de cette colĂšre contre un voisin qui avait dĂ©placĂ© les bornes dâun champ, histoire de gagner quelques mĂštres. J. Lanzmann, Le TĂȘtard, 197623Cette derniĂšre voiture sâarrĂȘta sur la route, Tron ayant accompagnĂ© lâautre jusquâau parc, Ă travers le chaume, sous le prĂ©texte de donner un coup de main histoire de flĂąner et de causer un instant. Ă. Zola, La Terre, 188724Histoire de lui acheter quelque chose, Pierre acquiert pour sa sĆur quelques images pieuses, imprimĂ©es au temps des combats. J. Rouaud, Les Champs dâhonneur, 199025Il attendit pour voir si un con en treillis rirait de son esprit. Il lui aurait fait faire une petite marche de nuit, histoire de. J. Vautrin, Bloody Mary, 1979 [15] Effets de sens43Bien sĂ»r, tous les arguments ne rĂ©fĂšrent pas nĂ©cessairement Ă des procĂšs inconsistants. Dans Frantext, la complĂ©mentation par des procĂšs Ă la fois non intrinsĂšquement inconsistants » et non rĂ©currents, apparaĂźt dĂšs 1840 26Jâai soutirĂ© douze francs Ă votre beau-pĂšre, les voilĂ âŠâ Et comment as-tu fait ?âŠâ Ne voulait-il pas voir les bassines et les provisions de monsieur, histoire de dĂ©couvrir le secret. Je savais bien quâil nây avait plus rien dans la petite cuisine ; mais je lui ai fait peur comme sâil allait voler son fils, et il mâa donnĂ© deux Ă©cus. H. Balzac, Illusions perdues, 1843.44DĂ©couvrir le secret nâest pas par lui-mĂȘme inconsistant, mais, en tant que complĂ©ment de histoire de, il est malgrĂ© tout construit par lâĂ©nonciation comme objet dâune lubie, dâun caprice, câest-Ă -dire dâune intention bien rĂ©elle de la part du beau-pĂšre, mais dĂ©considĂ©rĂ©e par le locuteur. Les Ă©crivains ont su jouer de cette pression de la forme sur le complĂ©ment phrastique ; mais dâabord, considĂ©rons deux exemples construits qui paraissent incongrus ou particuliĂšrement cyniques 27Hitler a armĂ© lâAllemagne, histoire dâenvahir lâEurope28Paul a pris des mĂ©dicaments, histoire de se suicider45Envahir lâEurope ou se suicider sont des actions ayant des consĂ©quences particuliĂšrement graves, qui ne peuvent, par consĂ©quent, ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme les objets dâune simple intention. Parmi les nombreux exemples de ce type dans Frantext, on relĂšvera 29Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, histoire de salir un peu plus ses bronches A. Jardin, Bille en tĂȘte, 198646Se salir un peu plus les bronches est certes un procĂšs consistant par lui-mĂȘme, puisquâoccasionnant des effets dĂ©vastateurs ; histoire de configure ce procĂšs comme ne possĂ©dant pas de consĂ©quences notoires â dâoĂč lâeffet humoristique quelque peu corrosif. Mais il y a plus, est construit ici un rapport intentionnel entre tirer dessus comme un crapaud et se salir les bronches, rapport qui nâexiste pas objectivement, mais qui est le fait de lâĂ©nonciateur. De mĂȘme, dans30Jâai jetĂ© un coup dâĆil un peu triste sur les baraques et je me suis coltinĂ© un bidon de vingt-cinq kilos le long du chemin, histoire de me cisailler un peu les doigts Ph. Djian, 37Ë2 le matin, 1985.47une relation intentionnelle incongrue est imposĂ©e par la 31Mais, avec une malice appuyĂ©e, il se disait nĂ©anmoins sĂ©duit par les mouvements en cours histoire de montrer quâil restait jeune et de gauche J. Kristeva, Les Samourais, 199049 Montrer que lâon reste jeune et de gauche » nâest pas intrinsĂšquement sans valeur, mais est ici configurĂ© comme tel. Cette inconsistance est en fait un jugement de lâĂ©nonciateur ici le narrateur, jugement nĂ©gatif dâailleurs anticipĂ© par avec une malice appuyĂ©e, et qui façonne lâethos du personnage quelquâun de puĂ©ril, sur le retour et ayant perdu ses idĂ©aux. Câest le regard du narrateur qui est ironique ici, et non pas le rapport entre lâintention de faire Y et celle de faire X comme dans 30. Le procĂšs X dans la limite dâune configuration50Lâexamen des procĂšs inconsistants permet donc de comprendre les effets pragmatiques de histoire de. Mais les remarques faites jusquâĂ maintenant nâexpliquent sans doute pas les motivations de lâemploi du mot si la notion dâexpressivitĂ© est incontestablement peu objective, elle permet de rendre compte de lâimpression ressentie Ă la lecture des exemples histoire de est plus colorĂ© » que pour ; ainsi 29 comparĂ© Ă 32Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, pour se salir un peu plus ses bronches ;52est bien plus expressif dans la mesure oĂč histoire de, par rapport Ă pour en dit un peu plus ». Cette expressivitĂ© pourrait sâexpliquer ainsi en Ă©tant attentif au fonctionnement nominal Legallois 2006b, on peut observer que le nom est utilisĂ© pour circonscrire un ensemble cohĂ©rent dâĂ©vĂ©nements qui ont pour seule Ă©paisseur ontologique leur participation Ă une finalitĂ© prĂ©cise. Ils sont orientĂ©s vers une seule fin ; suivant en cela la narratologie, il est possible de dĂ©signer cette fonction par le terme de configuration. Cette configuration peut ĂȘtre un ensemble dâĂ©vĂ©nements vus comme cohĂ©sifs, toujours orientĂ© vers la rĂ©alisation dâun objet un devenir ; il sâensuit que tout Ă©vĂ©nement de la configuration nâa pas dâautre rĂ©alitĂ© câest-Ă -dire pas dâautres effets ailleurs que dans ce cadre. Des emplois nominaux jouent argumentativement sur cet aspect fermĂ© sur elle-mĂȘme » de lâhistoire 33Ce ne sont pas tes histoires ! Nâinterviens pas lĂ -dedans34Tes histoires nâintĂ©ressent personne35Nâaie pas peur, ce nâest quâune histoire36Je ne crois pas Ă ce qui vient dâarriver Ă Paul ! Câest une histoire de fou !37Je nâentre pas dans cette histoire lĂ dans le sens, je nâentre pas dans ces considĂ©rations / dans la combine53Ă chaque fois, ces expressions relativement figĂ©es, exploitent le potentiel sĂ©mantique de histoire configurer des Ă©vĂ©nements et leur refuser toute rĂ©alitĂ© en dehors de cette configuration. De mĂȘme, histoire de met en jeu cette valeur dans X, histoire de Y, le procĂšs X est dit justifiĂ© par sa seule finalitĂ©, rĂ©aliser Y » dâoĂč la valeur restrictive soulignĂ©e plus haut. Ainsi, 32, tout en possĂ©dant les mĂȘmes effets, est moins expressif que 29 car pour ne dit pas ce que dit histoire Il en prit une, lâalluma et tira dessus comme un crapaud, est conceptualisĂ© comme ensemble de procĂšs limitĂ©s Ă un cadre / configuration, Ă un scĂ©nario en dehors duquel cet ensemble nâaurait aucune raison dâ rĂ©capitulons ici nos observations histoire de, qui peut difficilement ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une locution en raison du comportement de de, est un connecteur apparaissant dans la littĂ©rature vers 1837 â peut-ĂȘtre comme grammaticalisation et gĂ©nĂ©ralisation dâune premiĂšre forme lâhistoire de rire, mais les donnĂ©es sont trop insuffisantes pour que nous soyons affirmatifs. Son caractĂšre expressif est lâhĂ©ritage dâun emploi oral populaire. EmployĂ© systĂ©matiquement en construction dĂ©tachĂ©e, il introduit un procĂšs conçu comme une cause finale servant Ă justifier ou Ă expliquer le recours Ă une action. Le point de vue exprimĂ© par histoire de est subjectif, produit par lâĂ©nonciateur et non par le rĂ©fĂ©rent du sujet conjonction sĂ©lectionne dâabord chronologiquement et statistiquement le prĂ©dicat rire, Ă une Ă©poque oĂč apparaĂźt Ă©galement pour de rire et oĂč pour rire constitue dĂ©jĂ une expression idiomatique. Le trait inconsistant de ce verbe et dâautres co-occurrents rĂ©vĂšle que le procĂšs X est motivĂ© par une intention simple » la rĂ©alisation de Y, et quâil nâa pas dâautres effets en dehors de cette configuration. Ainsi, nous pouvons considĂ©rer histoire de + inf / que P comme une construction, au sens des Grammaires de Constructions [16], câest-Ă -dire une forme phrasĂ©ologique mi-lexicale, mi-grammaticale, Ă laquelle est inhĂ©rente une valeur sĂ©mantico-pragmatique. Notes [1] Nous verrons que la notion de locution prĂ©positive » appliquĂ©e Ă histoire de est discutable. [2] Signalons que cet article fait suite Ă un prĂ©cĂ©dent Legallois 2006b, dans lequel il sâagit de dĂ©terminer la sĂ©mantique du fonctionnement nominal du mot histoire, ainsi que, dans les limites dâun premier aperçu, de poser les prĂ©mices dâune analyse du connecteur. [3] Il nây a que cinq occurrences de histoire que P dans Frantext. [4] Nous adoptons dĂ©sormais cette notation. pour indiquer que de nâest pas intĂ©grĂ©. [5] Cause finale, cause matĂ©rielle, cause efficiente et cause formelle forment la notion de αÎčÎčÎżÎœ [aition] dans la MĂ©taphysique dâAristote. [6] Les locutions conjonctives qui servent Ă construire les propositions finales entraĂźnent lâemploi du mode subjonctif dans la mesure oĂč elles explicitent cette intention Wagner et Pinchon 1962, § 699. [7] On devrait Ă©voquer la non-dĂ©termination de histoire, contrairement Ă lâobjectif, le but, lâintention et mĂȘme Ă la seule fin de. [8] Hapax⊠pas tout Ă fait ! Ă lâheure oĂč nous bouclons, notre collĂšgue Mathilde Salles nous signale la prĂ©sence de la forme question de + inf. dans les romans de CĂ©line ; par exemple Je lâĂ©coutais battre son cĆur, question de faire quelque chose dans la circonstance, les quelques gestes quâon attendait CĂ©line, Voyage au bout de la nuit. AprĂšs examen sur Frantext, nous nâavons trouvĂ© ce type dâemploi â concurrent de histoire de â que chez cet auteur. [9] En plus de lâex. 16, plus bas, mais qui apparaĂźt dans une forme non clivĂ©e. [10] Mais on imagine bien que sans numĂ©risation, la tĂąche est colossale. [11] On trouve une occurrence chez Hugo dans Actes et Paroles III. [12] 51 occurrences prĂ©sentent un dĂ©tachement frontal, place privilĂ©giĂ©e pour une portĂ©e plus grande du circonstant et une fonction dâorganisation textuelle. MalgrĂ© tout, aprĂšs examen, il est difficile de dire que histoire de a une portĂ©e au-delĂ de la phrase. [13] Le roman de SouliĂ© mentionnĂ© ci-dessous Ă recours, Ă lui seul, 17 fois au verbe rire. MĂȘme en pondĂ©rant, rire est de loin le prĂ©dicat le plus employĂ©. [14] On ne doit pas sous-estimer la motivation anthropologique » de la grammaticalisation de histoire. Les histoires sont souvent racontĂ©es pour rire, pour passer le temps. [15] Exemple qui contredit MĂ©lis 2003, 114 qui affirme que histoire de et Ă cause de nĂ©cessitent obligatoirement un complĂ©ment cela est seulement exact pour Ă cause de. On parlera, pour cet exemple, dâun complĂ©ment Ă. [16] Cf. A. Goldberg 1995, Ch. Fillmore et al. 1988 pour la construction let alone cf. E. Roussel ici mĂȘme, D. Legallois et J. François 2006a.
L'abbé Donissan est un homme de foi sur le chemin de la sainteté. C'est pourtant à la recherche de Dieu qu'il se heurte à ses propres doutes, et remet en question ses croyances. Dans une sordide histoire de meurtre, il est confronté aux menaces de Satan. Mais, déterminé, le brave abbé lui mÚnera une lutte sans merci. Porté par la suite au cinéma, Sous le soleil de Satan est certainement le roman le plus troublant et le plus profond de Georges Bernanos. Georges Bernanos 1888-1948 est un écrivain français. Il passe la plus grande partie de sa jeunesse au Pas-de-Calais, lieu qui inspirera bon nombre de ses romans. Il poursuit des études à l'institut Catholique de Paris. C'est aprÚs avoir participé à la PremiÚre Guerre mondiale que Georges Bernanos publie selon ses mots un livre né de la Guerre'' Sous le soleil de Satan». Face a des difficultés financiÚres, il s'installe dans plusieurs pays étrangers dont les Baléares, le Brésil en exil, la Tunisie.... Il publie en 1936 un autre de ses romans majeurs Journal d'un curé de campagne». Comme les titres l'indiquent, ses oeuvres représentent trÚs souvent des personnages catholiques, confrontés au combat spirituel entre le bien et le mal.
Le 18 mai 2016, alors que les policiers manifestaient contre les violences dont ils sont victimes lors des manifestations, ceux qui sont Ă l'origine de ces agressions, les "antifas", attaquaient une voiture de police le long du canal Saint-Martin, quai de Valmy. Les images sont encore dans tous les esprits. Des Ă©nergumĂšnes harcelaient des policiers, boxaient l'un d'entre eux puis le frappaient avec une barre de fer, avant d'incendier la voiture de police, par ailleurs cassĂ©e de partout. AprĂšs seize mois, la XVIe chambre a Ă©noncĂ© son verdict. Antonin Bernanos attire l'attention. Il est l'arriĂšre-petit-fils de Georges Bernanos, ce grand Ă©crivain chrĂ©tien, cette belle Ăąme Ă©prise de libertĂ© que, malgrĂ© son gaullisme, le GĂ©nĂ©ral n'Ă©tait pas parvenu Ă attacher Ă son char. Combattant courageux et blessĂ© lors de la Grande Guerre, d'abord proche de l'Action française, puis adversaire du fascisme, Bernanos Ă©tait certes un rebelle, mais sa rĂ©bellion, Ă©tait morale plus que politique. C'Ă©tait celle d'un Ă©crivain, Ă la fois profond dans sa rĂ©flexion et talentueux imprĂ©cateur des pĂ©chĂ©s de notre monde. C'est avec consternation que l'on voit aujourd'hui son nom mĂȘlĂ© aux jeux dĂ©biles et violents de soixante-huitards attardĂ©s. Il y a des descendants qui sont des chutes vertigineuses. Antonin Bernanos est Ă la fois la vedette de ce procĂšs et un symbole qui mĂ©rite qu'on s'y attarde. Il a Ă©tĂ© identifiĂ© par un membre de la direction du renseignement de la prĂ©fecture de police de Paris dont le tĂ©moignage corrobore les images de l'agression. Sa dĂ©fense consiste Ă nier sa participation aux faits. Il Ă©tait lĂ avant et aprĂšs, Ă visage dĂ©couvert, mais ce n'est pas lui qui a boxĂ© le policier assis Ă son volant, ni brisĂ© la lunette arriĂšre du vĂ©hicule, mĂȘme si ses vĂȘtements et sous-vĂȘtements visibles et ses bagues Ă©taient semblables Ă ceux de l'agresseur masquĂ©. Il en est Ă sa douziĂšme poursuite pĂ©nale. Les onze autres ont Ă©tĂ© conclues par des relaxes ou des classements sans suite. Allez savoir si ce succĂšs judiciaire est dĂ» Ă un acharnement infondĂ© de la police ou Ă une mansuĂ©tude particuliĂšre envers un Ă©tudiant au style trĂšs correct et qui parle aux magistrats "d'Ă©gal Ă Ă©gal" ! Le comble serait, en effet, que ce "rĂ©volutionnaire" sans cause ait Ă©tĂ©, jusqu'Ă prĂ©sent, la preuve vivante d'une justice de classe... MalgrĂ© sa condamnation Ă cinq ans, dont trois avec sursis, il a Ă©tĂ© laissĂ© en libertĂ©. Le "pauvre" avait dĂ©jĂ effectuĂ© dix mois de dĂ©tention prĂ©ventive, et compte tenu de sa peine, il aurait Ă©tĂ© libĂ©rĂ© dans deux mois. Lourdes peines, dites-vous ? Ses parents crient au scandale en dĂ©nonçant "l'acharnement du pouvoir politique", un "verdict lourd et injuste" et justifient "un jeune militant qui lutte contre la violence de l'Ătat". Dans cette atmosphĂšre trĂšs parisienne, on n'est pas loin de croire entendre un dĂ©lire "bobo" gauchiste, complĂštement dĂ©connectĂ© de la rĂ©alitĂ©. Car si l'on peut critiquer lĂ©gitimement notre sociĂ©tĂ©, et mĂȘme considĂ©rer la dĂ©mocratie comme une illusion, le changement ne risque pas d'ĂȘtre engendrĂ© par la violence, et encore moins par des Ă©chauffourĂ©es sporadiques avec des fonctionnaires de police qui ne font que leur travail. Deux aspects prĂ©occupants se dĂ©gagent de cette affaire. Il y a d'abord une certaine perversitĂ© de l'intĂ©ressĂ© qui soigne ses deux visages opposĂ©s. Docteur Antonin possĂšde chez lui l'attirail du casseur de rue masque Ă gaz, casque et poing amĂ©ricain. Mais Mister Bernanos est posĂ©, calme, s'exprime aisĂ©ment et dĂ©clare ainsi devant le tribunal "pas de jugement moral" sur les Ă©vĂ©nements. Ensuite, on ne peut qu'ĂȘtre atterrĂ© par le gĂąchis que reprĂ©sente cet individu. C'est d'abord l'aberration d'une Ăducation nationale qui conduit de jeunes Ă©tudiants intelligents Ă s'enliser dans une pensĂ©e sans issue qui leur fait atteindre le sommet... de la stupiditĂ©. Au lieu d'ouvrir les esprits, comment l'universitĂ© peut-elle enfermer une intelligence dans la vision Ă©triquĂ©e d'un groupuscule ?
Bateaux au jardin du Luxembourg. "In a higher world it is otherwise, but here below to live is to change, and to be perfect is to have changed often" Dans un monde supĂ©rieur, il en est autrement, mais ici-bas vivre, câest changer ; ĂȘtre saint, câest avoir beaucoup changĂ© », John Henry NEWMAN, An Essay on the Development of Christian Doctrine 1845, I, 1, 7 Ă©d. Green and Co, Longmans, Londres, 1878, p. 40. Vous ĂȘtes royaliste, disciple de Drumont â que mimporte ? Vous mâĂȘtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices dâAragon â ces camarades que, pourtant, jâaimais », Ă©crivit Simone Weil Ă Bernanos aprĂšs avoir lu Les Grands cimetiĂšres sous la lune Correspondance inĂ©dite CI t. II, p. 203-204. Elle exprimait ainsi lâun des paradoxes de Bernanos. ProfondĂ©ment catholique, il nâhĂ©site pas Ă dĂ©noncer violemment les choix de lâĂ©glise dâEspagne et lâignoble Ă©vĂȘque de Majorque » CI, t. II, p. 170 qui bĂ©nit le massacre des rĂ©publicains en 1937, lâĂ©glise italienne qui approuve Mussolini pour conserver ses privilĂšges et lâordre », le clergĂ© français timide durant la guerre. Admirateur de Drumont, il condamne lâantisĂ©mitisme en 1939, membre de lâAction française aprĂšs avoir Ă©tĂ© Camelot du Roi, il la quitte non sans souffrance lorsque Rome la condamne, acceptant mĂȘme de se brouiller dĂ©finitivement avec Maurras, et se rallie Ă lâappel du 18 juin quand la plupart de ses anciens compagnons prennent le parti du marĂ©chal PĂ©tain. Royaliste, il titrait un article en novembre 1944 Je crois Ă la RĂ©volution », poursuivant On me reproche parfois de trop parler de rĂ©volution. Mais ce nâest pas dâen parler quâon me blĂąme ; on ne me pardonne pas dây croire. Et jây crois parce que je la vois. Je la vois partout dans le monde, mais je la vois plus clairement dans mon propre pays, parce quâil y a commencĂ© plus tĂŽt, et câest le gĂ©nĂ©ral de Gaulle qui lâa faite » Ăcrits et Ćuvres de combat EEC, p. 939. Son second roman, Lâimposture fut saluĂ© par Malraux comme par Antonin Artaud qui lui Ă©crivit alors Votre âmort du curĂ© Chevanceâ mâa donnĂ© une des Ă©motions les plus tristes et les plus dĂ©sespĂ©rĂ©es de ma vie. ⊠Rarement chose ou homme mâa fait sentir la domination du malheur, rarement jâai vu lâimpasse dâune destinĂ©e farcie de fiel et de larmes, coincĂ©e de douleurs inutiles et noires comme dans ces pages dont le pouvoir hallucinatoire nâest rien Ă cĂŽtĂ© de ce suintement de dĂ©sespoir quâelles dĂ©gagent » et reconnaĂźt en lui un frĂšre en dĂ©solante luciditĂ© » cf. Georges Bernanos Ă la merci des passants, Jean-Loup Bernanos, p. 194-195. Il est en revanche traitĂ© plus bas que terre par nombre de chrĂ©tiens » qui le vouent sans hĂ©siter aux gĂ©monies lorsque ses Ćuvres ne correspondent pas Ă lâidĂ©e que lâon se fait habituellement de la production dâun Ă©crivain catholique. Sur le plan littĂ©raire, peut-on parler dâune fidĂ©litĂ© de lâĂ©crivain ? Romancier, il se transforme en pamphlĂ©taire Ă partir de 1936, renonçant Ă la joie de laisser se lever les personnages que son imagination faisait surgir. Et que dire des innombrables dĂ©mĂ©nagements de la famille Bernanos, non seulement en France mais Ă Majorque, au Paraguay, Ă©tape pour le BrĂ©sil, puis en Tunisie, parce que la France de lâaprĂšs-guerre lui est insupportable ? Quelle fidĂ©litĂ© unifiait donc cet homme, dont les choix apparemment contradictoires laissĂšrent souvent perplexes ceux qui ne le connaissaient que par la rumeur, quand Jean de FabrĂšgues, au contraire, pouvait Ă©crire Non, Bernanos nâavait pas changĂ© il Ă©tait restĂ© fidĂšle Ă lui-mĂȘme, Ă tout lui-mĂȘme, Ă ce que les partis, la droite et la gauche, se partageaient, se disputaient⊠CâĂ©tait lui, en vĂ©ritĂ©, qui restait le mĂȘme, qui restait fidĂšle tel au dernier jour que nous lâavions connu au premier, tel en ces derniers mois quâĂ lâĂ©poque du Soleil de Satan, ou, plus loin encore, de lâAvant-Garde de Rouen, fidĂšle Ă son ârĂȘveâ, Ă son Ăąme » Bernanos tel quâil Ă©tait, Mame, 1963 ? Sans doute une des clefs de lecture se situe-t-elle dans lâidĂ©e que Bernanos se faisait de son mĂ©tier dâĂ©crivain. Le mĂ©tier littĂ©raire ne me tente pas », Ă©crit-il dĂ©jĂ en 1919, il mâest imposĂ©. Câest le seul moyen qui mâest donnĂ© de mâexprimer, câest-Ă -dire de vivre. Pour tous une Ă©mancipation, une dĂ©livrance de lâhomme intĂ©rieur, mais ici quelque chose de plus la condition de ma vie morale. Nul nâest moins art pour art, nul nâest moins amateur que moi. Câest pourquoi le mal est sans remĂšde. En enterrant ma vocation, on mâenterre avec elle, et les idĂ©es dont je vis » CI, t. I, p. 167. Bien avant que le Soleil de Satan ne rĂ©vĂšle le romancier, il vit son mĂ©tier comme une vocation â vocatus », et cette perspective domine toute sa vie. Il prĂ©cise en 1943 Le bon Dieu doit mâappeler chaque fois quâil a besoin de moi et beaucoup de fois, et sur un ton comminatoire ! Alors je me lĂšve en rechignant et sitĂŽt la besogne faite, je retourne Ă ma vie trĂšs ordinaire » CI, t. II, p. 503. Câest pour ĂȘtre fidĂšle Ă cette vocation, Ă cet appel que Bernanos quitte le mĂ©tier dâassureur aprĂšs le succĂšs du Soleil de Satan, quâil abandonne le roman pour les Ćuvres de combat, Ă©crivant le 14 mars 1937 Il est vraiment providentiel que je sois venu ici, Ă Majorque. Jâai compris. Je tĂącherai de faire comprendre » et ce sera le brasier des Grands CimetiĂšres sous la lune, quâil sâexile volontairement en 1938, lorsque lâair » devient si rarĂ©fiĂ© » en Europe quâil ne porte pas une parole libre » CI, t. II, p. 598 sq., lui faisant dire Je ne veux pas risquer de me damner ». Bernanos prend tous les moyens pour ĂȘtre fidĂšle Ă cette vocation dont il affirmait quâelle Ă©tait plus exigeante pour lui que les vĆux dâun religieux. Risquer la critique nâest alors que le moindre des risques Quâest-ce que je risque ? Mon prestige ? Il est Ă votre disposition, sâil mâen reste. Jâai eu du prestige, comme tout le monde âŠ. Depuis la publication des Grands CimetiĂšres, par exemple, celui que je tenais de la Critique sâest dissipĂ© en fumĂ©e, la Critique fait autour de moi un silence que je voudrais croire auguste » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 874. La pauvretĂ© dans laquelle Bernanos a toujours vĂ©cue est Ă ses yeux la stricte consĂ©quence de cette fidĂ©litĂ©. Bernanos est toujours Ă la recherche du pain de chaque jour pour les siens. DĂ©vorĂ© par la mission Ă remplir, il refusera toujours de faire carriĂšre. Les critiques lui prĂ©disent le succĂšs, les honneurs Bernanos nâen veut pas. Par trois fois il refusera la LĂ©gion dâhonneur, en 1927, 1928, 1946 ; il refuse dâentrer Ă lâAcadĂ©mie française, dĂ©cline les postes de ministre que lui propose de Gaulle Ă la LibĂ©ration. Ses livres se vendront toujours bien ; en administrant prudemment ses biens, il aurait pu mettre les siens Ă lâabri du besoin et des imprĂ©vus. Mais lâargent file entre ses doigts. Il se consacre Ă lâĂ©criture comme nâimporte quel travailleur Ă son mĂ©tier quotidien La maison Plon, avec une sollicitude carnassiĂšre, me rĂ©tribue page par page. Pas de page, pas de pain. ⊠[Q]uand le soir vient, jâose Ă peine me moucher, de peur de trouver ma cervelle dans mon mouchoir » CI, t. II, p. 50, Ă©crivant tout le jour dans des cafĂ©s pour ne pas oublier la rĂ©alitĂ© des visages humains et ne pas se laisser emporter par le rĂȘve cf. Les Grands CimetiĂšres sous la lune, EEC, t. I, p. 354, au moins tant quâil est en Europe. La solitude de ses annĂ©es brĂ©siliennes nâen sera que plus grande. La plupart de ses dĂ©mĂ©nagements, sinon tous, dĂ©riveront de cette pauvretĂ©, Bernanos espĂ©rant chaque fois pouvoir faire vivre sa famille sinon mieux, du moins de maniĂšre dĂ©cente. Car il lui faut bien souvent supplier Plon, son Ă©diteur, de lui envoyer quelque subside Je ne peux plus vivre sur des avances, et ne possĂ©dant pas un seul âpĂ©tardâ comme disait RenĂ© de Chateaubriand il faut tout de mĂȘme que je sache si je puis vivre au jour le jour de mon mĂ©tier, mĂȘme si je devais mâaider de collaborations rĂ©guliĂšres Ă des journaux. Si la maison Plon ne peut ou ne veut rien dans ce sens, quâelle me laisse un dĂ©lai raisonnable pour le remboursement ⊠et quâelle me permette de mâadresser ailleurs » CI, t. I, p. 535. JusquâĂ sa mort il connaĂźtra le combat du pĂšre de famille en quĂȘte de la subsistance de sept personnes ou plus. Combat torturant, car sa vocation de pĂšre nâest jamais opposĂ©e Ă celle dâĂ©crivain elles sont deux aspects de sa vocation de chrĂ©tien. Il nâest pas lâhomme de lettres » qui sâisole pour faire son Ćuvre ; il connaĂźt, au contraire, la difficultĂ© des dĂ©parts, les maisons inconfortables, les meubles cassĂ©s, la perte des manuscrits et des objets auxquels on sâattache, les angoisses nĂ©es des maladies, des accidents. Il nâa rien dâun exaltĂ© qui entraĂźne sa famille dans de folles Ă©quipĂ©es, Ă la poursuite dâun rĂȘve personnel. De LĂ©on Bloy, il Ă©crira ceci, qui semble le dĂ©crire personnellement Comme son brave homme de pĂšre, il Ă©tait certainement nĂ© pour une carriĂšre tranquille ... couronnĂ©e par la retraite. ... Mais LĂ©on Bloy Ă©tait appelĂ© â vocatus â et il a retirĂ© ses pantoufles, il est parti pour une vie de crĂšve-la-faim, presque sans sâen apercevoir » Dans lâamitiĂ© de LĂ©on Bloy, 1946. Le bon Dieu ne mâa pas mis une plume dans les mains pour rigoler avec » CI, t. II, p. 47. Câest par rapport Ă Dieu quâil se situe lorsquâil entreprend une Ćuvre Si je me sentais du goĂ»t pour la besogne que jâentreprends aujourdâhui, le courage me manquerait probablement de la poursuivre, parce que je nây croirais pas » Les Grands CimetiĂšres, EEC, t. I, p. 353, comme lorsquâil est affrontĂ© au dĂ©mon de [s]on cĆur » le Ă quoi bon ? » qui lui ferait abandonner la lutte, aussi bien dans la vie que dans lâĂ©criture. Car le premier devoir dâun Ă©crivain est dâĂ©crire ce quâil pense, coĂ»te que coĂ»te. Ceux qui prĂ©fĂšrent mentir nâont quâĂ choisir un autre mĂ©tier â celui de politicien, par exemple. Ăcrire ce quâon pense ne signifie nullement Ă©crire sans rĂ©flexion ni scrupule tout ce qui vous passe par la tĂȘte. ⊠La vĂ©ritĂ© mâa prise au piĂšge, voilĂ tout. En Ă©crivant un livre comme Les Grands CimetiĂšres sous la lune, je me suis trop engagĂ© dans la vĂ©ritĂ©. Je nâen pourrais sortir dĂ©sormais, mĂȘme si je le voulais » Le Chemin de la Croix-des-Ămes, EEC, t. II, p. 675. LâĆuvre de Bernanos est donc avant tout une quĂȘte de la vĂ©ritĂ©. Il lui voue sa vie et essaie de trouver, par un approfondissement constant de la rĂ©flexion, une simplification de lâĂȘtre et de lâĂ©criture. Pour moi le meilleur moyen dâatteindre la vĂ©ritĂ©, câest dâaller au bout du vrai quels quâen soient les risques », Ă©crit-il dans Le Chemin de la Croix-des-Ămes. Il lui fallut parfois un beau courage que lâon pense, outre aux injures et insultes quâil essuya souvent, Ă ce quâil fallait de conscience et de dĂ©termination pour tĂ©moigner non aprĂšs mais durant la guerre dâEspagne, alors quâil Ă©tait aux premiĂšres loges, Ă Palma de Majorque. Il fut au reste victime de deux tentatives dâattentat qui Ă©chouĂšrent, heureusement, mais Ă©crivit Ă une de ses niĂšces Il paraĂźt que cette canaille de Franco a mis ma tĂȘte Ă prix, et dĂ©lĂ©guĂ© ses meilleurs exĂ©cuteurs. Donc, si tu apprends que je me suis tuĂ© en jouant avec une arme Ă feu, Ă©tant un peu saoul, ne le crois pas, et dĂ©fends ma mĂ©moire ! CI, t. III, p. 311. En 1940 il Ă©crit Les milieux catholiques mâont donnĂ© ce quâils peuvent donner Ă qui ne les flatte pas â rien. Ils nâont Ă©videmment rien Ă dire Ă un Ă©crivain qui, aprĂšs le Soleil comme aprĂšs le Journal dâun curĂ© de campagne, a sacrifiĂ© deux fois les profits matĂ©riels dâun trĂšs grand succĂšs Ă ce quâil croyait son devoir, perdu deux fois, volontairement, un immense public dont, avec quelques concessions, il pouvait tirer honneur et fortune CI, t. II, p. 294-295. LâĆuvre romanesque et lâĆuvre de combat relĂšvent en fait dâune mĂȘme pensĂ©e il sâagit pour Bernanos de dire chaque fois tout ce que je pense, avec toute la force dont je suis capable » Le Chemin de la Croix-des-Ămes, EEC, t. II, p. 661. Le Soleil de Satan naĂźt de la guerre » Le crĂ©puscule des vieux, p. 65, de lâaveu mĂȘme de Bernanos La guerre mâa laissĂ© ahuri, comme tout le monde, de lâimmense disproportion entre lâĂ©normitĂ© du sacrifice et la misĂšre de lâidĂ©ologie proposĂ©e par la presse et les gouvernements⊠Et puis encore, notre espĂ©rance Ă©tait malade, ainsi quâun organe surmenĂ©. La religion du ProgrĂšs, pour laquelle on nous avait poliment priĂ©s de mourir, est en effet une gigantesque escroquerie Ă lâespĂ©rance. ⊠Eh bien ! jâai cette fois encore fait comme tout le monde. Jâai dĂ©mobilisĂ© mon cĆur et mon cerveau. Jâai cherchĂ© Ă comprendre » Ibid., p. 28. Je savais que ce nâĂ©taient pas les grandes choses, câĂ©taient les mots qui mentaient. La leçon de la guerre allait se perdre dans une immense gaudriole. ⊠Quâaurais-je jetĂ© en travers de cette joie obscĂšne, sinon un saint ? Ă quoi contraindre les mots rebelles, sinon Ă dĂ©finir, par pĂ©nitence, la plus haute rĂ©alitĂ© que puisse connaĂźtre lâhomme aidĂ© de la grĂące, la SaintetĂ© ? » Ibid., p. 68. Toute lâĆuvre Ă venir se trouve dĂ©jĂ dans les principes qui prĂ©sident Ă la crĂ©ation de ce roman la saintetĂ© et lâordre surnaturel du monde, le poids de vĂ©ritĂ© quâil sâagit de rendre aux mots, la lutte contre les idĂ©ologies â en particulier contre lâimposture du ProgrĂšs â, la figure centrale de lâenfance bafouĂ©e Mouchette et ignorante dâelle-mĂȘme etc. Les modalitĂ©s nâen sont ensuite que secondaires, dans la mesure oĂč elles sont subordonnĂ©es Ă une certaine idĂ©e de la condition de lâhomme » indissoluble pour lui dâune vision catholique du rĂ©el », selon le titre dâune confĂ©rence faite en 1927 Ă Bruxelles cf. Le crĂ©puscule des vieux. Il y a ⊠longtemps, affirme-t-il en 1943, que je crois quâun vĂ©ritable Ă©crivain nâest que lâintendant et le dispensateur de biens qui ne lui appartiennent pas, quâil reçoit de certaines consciences pour les transmettre Ă dâautres, et sâil manque Ă ce devoir, il est moins quâun chien. â Ceci, selon moi, nâest quâun aspect de cette coopĂ©ration universelle des Ăąmes que la thĂ©ologie catholique appelle la Communion des saints. Que ce nom de saints, ne vous fasse pas peur, si vous nâĂȘtes pas chrĂ©tien !... Il est pris ici dans son sens Ă©vangĂ©lique. Câest le pseudonyme de bonne volontĂ©. â » CI, t. II, p. 510-511. Bernanos reconnaĂźt bien volontiers quâil a reçu beaucoup de son enfance, Ă laquelle il est toujours redevable Quant Ă mes livres, ce quâils ont de bon vient de trĂšs loin, de ma jeunesse, de mon enfance, des sources profondes de mon enfance » CI, t. II, p. 502. Ne disait-il pas dĂ©jĂ dans Les Grands CimetiĂšres sous la lune Quâimporte ma vie ! Je veux seulement quâelle reste jusquâau bout fidĂšle Ă lâenfant que je fus. Oui, ce que jâai dâhonneur et ce peu de courage, je le tiens de lâĂȘtre aujourdâhui pour moi mystĂ©rieux qui trottait sous la pluie de septembre, Ă travers les pĂąturages ruisselants dâeau ⊠de lâenfant que je fus et qui est Ă prĂ©sent pour moi comme un aĂŻeul. EEC, t. I, p. 404. Les hĂ©ros bernanosiens se prĂ©sentent tous le curĂ© de Lumbres doit acquĂ©rir durement cette qualitĂ© comme des enfants. Jeunes pour la plupart, ils en ont gardĂ© la fraĂźcheur peut-ĂȘtre, lâinnocence, la capacitĂ© de sâĂ©merveiller et de faire confiance, parfois accompagnĂ©e dâune certaine maladresse devant les puissants, ceux qui rĂ©ussissent dans la vie. Nâest-ce pas au reste ce que leur entourage reproche Ă Chantal dans La Joie, au curĂ© dâAmbricourt dans Le CurĂ© de campagne, Ă Constance dans les Dialogues des CarmĂ©lites ? La gaietĂ© des saints qui nous rassure par une espĂšce de bonhomie familiĂšre nâest sĂ»rement pas moins profonde que leur tristesse, mais nous la croyons volontiers naĂŻve, parce quâelle ne laisse paraĂźtre aucune recherche, aucun effort, ni ce douloureux retour sur soi-mĂȘme qui fait grincer lâironie de MoliĂšre au point prĂ©cis oĂč lâobservation des ridicules dâautrui sâarticule Ă lâexpĂ©rience intime », lit-on dans La Joie OR, p. 599. Chantal ne se prĂ©occupe pas de sa vie, quâelle voit toute petite », alors que son entourage se demande ce quâelle fera demain. Mais câest quâil nây a pas de demain pour elle lâimportant est Ă ses yeux de faire parfaitement les choses faciles » OR, p. 558, de se donner Ă chaque instant sans rĂ©serve Beaucoup dâĂȘtre se sacrifient, qui nâauraient pas le courage de se donner » OR, p. 586. Il serait faux en effet de penser que Bernanos, tel les romantiques, regrette le temps de lâenfance. Elle est pour lui devant et non derriĂšre Si je marche Ă ma fin, comme tout le monde », Ă©crit-il, câest le visage tournĂ© vers ce qui commence, qui nâarrĂȘte pas de commencer, qui commence et ne se recommence jamais, ĂŽ victoire ! » Les Enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 107. LâabbĂ© Chevance, dans Lâimposture, est tout aussi enfant que sa fille spirituelle, Chantal, malgrĂ© son grand Ăąge. Bernanos nâĂ©crit-il pas Dans lâĂ©tat prĂ©sent du monde, devenir un vieillard est presque aussi difficile que de devenir un Saint. Vous croyez quâon entre dans la vieillesse par anciennetĂ©, imbĂ©ciles ! Vous nâĂȘtes pas des vieillards, vous ĂȘtes des vieux, des retraitĂ©s » Français si vous saviezâŠ, EEC, t. II, p. 201-202 ? La vĂ©ritable vieillesse est un accueil du jour fidĂšle Ă lâenfance. Lui-mĂȘme avoue ailleurs Jâai perdu lâenfance, je ne pourrais la reconquĂ©rir que par la saintetĂ© » CI, t. II, p. 503. Lâenfance est avant tout une confiance en lâavenir, une maniĂšre de vivre lâaujourdâhui sans sâinquiĂ©ter du lendemain ni se laisser appesantir par le passĂ©, sans se laisser arrĂȘter ou seulement ralentir par la peur. Or Bernanos est sujet, depuis lâenfance, Ă de terribles crises dâangoisse. On sait quâil tira un jour un coup de carabine sur le miroir qui le reflĂ©tait ; on se souvient moins, souvent, quâil vĂ©cut la guerre des tranchĂ©es, ce petit espace de quelques lieues carrĂ©es, grouillant de moribonds » CI, t. I, p. 104, fut enterrĂ© vivant sous un obus durant la guerre et resta plusieurs minutes terribles sous lâavalanche de terre et de fer », suspendu entre vie et mort ; quâen 1923 une perforation intestinale, aggravĂ©e dâun abcĂšs, dâune infection des reins, dâune cystite, le cloua le ventre entrouvert » prĂšs de deux mois sans antibiotiques, Ă©videmment ; que deux accidents de moto le laisseront infirme⊠Choisir la vie », selon le prĂ©cepte biblique, nâest donc pas un vain mot pour lui. Est-il inconvenant de penser que la description si prĂ©gnante quâil fit bien souvent du suicide 12 dans ses Ćuvres romanesques ! dĂ©rive aussi de pensĂ©es qui lâassaillirent parfois, mĂȘme sâil les refusait aussitĂŽt ? Lorsquâil Ă©crit Il est peu dâhommes qui, Ă une heure de la vie, honteux de leur faiblesse ou de leurs vices, incapables de leur faire front, dâen surmonter lâhumiliation rĂ©demptrice, nâaient Ă©tĂ© tentĂ©s de se glisser hors dâeux-mĂȘmes, Ă pas de loup, ainsi que dâun mauvais lieu » Les enfants humiliĂ©s, EEC, t. I, p. 831, il ne parle pas que des autres, il sait le poids de lâĂȘtre et ce quâest la tentation du dĂ©sespoir » Sous le Soleil de Satan, titre de la PremiĂšre partie, chap. 1, OR, p. 116 sq.. Bernanos Ă©tait dans la vie un homme trĂšs gai il avoue fuir la compagnie de ses enfants pour travailler non parce que leur bruit le gĂȘne, mais parce quâil a toujours envie dâaller jouer avec eux, et son rire Ă©tait contagieux ; il nâest pas question dâen faire un Ă©crivain dĂ©primĂ© qui cultiverait le noir et Ă©crirait pour se dĂ©fouler. Il Ă©tait tout au contraire un homme qui aimait passionnĂ©ment la vie et le doux Royaume de la Terre ». Câest pourquoi il pouvait parler dâ un dĂ©sespoir inflexible qui nâest peut-ĂȘtre que lâinflexible refus de dĂ©sespĂ©rer. Je viens dâĂ©crire ce mot de dĂ©sespoir par dĂ©fi. Je sais parfaitement quâil ne signifie plus rien pour moi. Autre chose est de souffrir lâagonie du dĂ©sespoir, autre chose le dĂ©sespoir lui-mĂȘme. ⊠[L]âespĂ©rance est une victoire, et il nây a pas de victoire sans risque. Celui qui espĂšre rĂ©ellement, qui se repose dans lâespĂ©rance, est un homme revenu de loin, de trĂšs loin, revenu sain et sauf dâune grande aventure spirituelle, oĂč il aurait dĂ» mille fois pĂ©rir. ... Celui qui, un soir de dĂ©sastre, piĂ©tinĂ© par les lĂąches, dĂ©sespĂ©rant de tout, brĂ»le sa derniĂšre cartouche en pleurant de rage, celui-lĂ meurt, sans le savoir, en pleine effusion de lâespĂ©rance. ... Si jâai les Ćuvres de lâespĂ©rance, lâavenir le dira. Lâavenir dira si chacun de mes livres nâest pas un dĂ©sespoir surmontĂ©. Le vieil homme ne rĂ©sistera pas toujours ; le vieux bĂątiment ne tiendra pas toujours la mer ; il suffit bien quâil puisse se maintenir jusquâĂ la fin debout Ă la lame, et que celle qui le coulera soit aussi celle qui lâaura levĂ© le plus haut » Français, si vous saviezâŠ, EEC, t. II, p. 1174. LâespĂ©rance, vertu de qui a traversĂ© lâĂ©preuve, caractĂ©rise les personnages bernanosiens tout autant que de leur crĂ©ateur. Comme lui, ils savent que [p]our rencontrer lâespĂ©rance, il faut ĂȘtre allĂ© au delĂ du dĂ©sespoir. Quand on va jusquâau bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. ⊠LâespĂ©rance est une vertu, virtus, une dĂ©termination hĂ©roĂŻque de lâĂąme. La plus haute forme de lâespĂ©rance, câest le dĂ©sespoir surmontĂ© » La LibertĂ© pour quoi faire ?, EEC, t. II, p. 1262-1263. LâespĂ©rance est un risque Ă courir », comme lâavenir lui-mĂȘme, [e]lle est la plus grande et la plus difficile victoire quâun homme puisse remporter sur son Ăąme » La LibertĂ©âŠ, p. 1315. Bernanos tenait ainsi particuliĂšrement au chapitre du Journal racontant la rencontre entre le lĂ©gionnaire et le curĂ© dâAmbricourt, oĂč celui-ci connaĂźt le risque bĂ©ni de la jeunesse et reçoit la rĂ©vĂ©lation de lâamitiĂ© Le chapitre que je viens dâĂ©crire, je lâavais sur le cĆur, depuis des mois, presque depuis la premiĂšre ligne de mon livre ». Il prĂ©cise immĂ©diatement Ce nâest pas quâil vaut mieux que les autres, mais de tous mes bouquins celui-ci est certainement le plus testamentaire. Pour que lâobscur sacrifice de mon hĂ©ros soit parfait, je veux quâil ait aimĂ©, et compris, Ă une minute de sa vie, ce que jâai tant aimĂ© moi-mĂȘme. Jâavais besoin dâun grand matin triomphal, et de la parole dâun soldat » CI, t. II, p. 120. Ses personnages connaissent aussi bien la vertu de lâespĂ©rance que ses difficultĂ©s. Si Chantal et lâabbĂ© Chevance, saints lumineux, vivent comme naturellement en elle, ils agonisent pourtant dans des tentations proches du dĂ©sespoir et ont besoin de la compassion dâautrui pour la surmonter. Un bref dialogue de La Joie OR, p. 675 en rend lâessentiel Jâai trop mĂ©prisĂ© la peur, avouait-il un jour, jâĂ©tais jeune, jâavais le sang chaud. Comment ! Câest vous qui parlez ainsi, sâĂ©tait-elle Ă©criĂ©e, vous ? Est-ce que vous allez faire entrer la peur dans le paradis ? ⊠Pas si vite ! Pas si vite ! En un sens, voyez-vous, la peur est tout de mĂȘme la fille de Dieu, rachetĂ©e la nuit du Vendredi saint. Elle nâest pas belle Ă voir â non ! â tantĂŽt raillĂ©e, tantĂŽt maudite, renoncĂ©e par tous⊠Et cependant, ne vous y trompez pas elle est au chevet de chaque agonie, elle intercĂšde pour lâhomme. » LâespĂ©rance est pour Bernanos non pas le contraire de la peur, mais lâinverse du rĂȘve Jâai mis trente ans Ă reconnaĂźtre que je nâavais rien, absolument rien. Ce qui pĂšse dans lâhomme, câest le rĂȘveâŠ, affirme Chevance dans La Joie OR, p. 615. Elle est la vertu des forts, de ceux qui choisissent de renoncer aux illusions, aux mensonges sur autrui comme sur soi-mĂȘme. Ainsi lâabbĂ© Chevance reprend-il fermement, presque violemment, le menteur et le pĂ©cheur lorsquâils sâattaquent Ă Dieu et Ă eux-mĂȘmes câest tout un Vous avez Ă©tĂ© cruelle exprĂšs, comprenez-vous ? Câest comme si vous aviez tuĂ© votre Ăąme, pour en finir, dâun seul coup » Lâimposture, OR, p. 491. Lâimposture, qui prĂ©cĂšde La Joie et en constitue le premier volet, prĂ©sente de maniĂšre poignante lâinverse de ces enfants » que sont les saints. Bernanos y critique la mĂ©diocritĂ© des gens dâĂglise pactisant avec lâesprit du monde et lâambition, le dĂ©sir de gloire, le vide⊠Lorsque lâabbĂ© CĂ©nabre, brillant intellectuel, Ă©crivain de renom, se tourne vers son enfance, il nây voit que lâambition de sortir dâun milieu quâil mĂ©prise et avec lequel il dĂ©cide quâil nâaura jamais rien en commun » OR, p. 460, un immense orgueil » et une volontĂ© qui ne pourra pas ĂȘtre pliĂ©e mais seulement brisĂ©e. Chacun de ses pas », Ă©crit le narrateur, avait Ă©tĂ© une rupture avec le passĂ© », chacun avait Ă©tĂ© aussi un progrĂšs dans le mensonge. Car [p]our mentir utilement, avec efficace et sĂ©curitĂ© plĂ©niĂšre, il faut connaĂźtre son mensonge et sâexercer Ă lâaimer ». Ce mĂȘme orgueil qui le pousse Ă refuser lâenfant quâil aurait pu ĂȘtre, quâil Ă©tait avant le choix du mensonge, en fait un prĂȘtre sans la foi », le pire des imposteurs. Pourtant, il cĂ©dera au Ă quoi bon ? », sinistre parole ⊠au principe de tous les abandonnements » OR, p. 461. Il en arrive Ă des gestes absurdes, que lui-mĂȘme ne sâexplique pas, refuse la beautĂ© qui lâentoure et la science qui fut sa gloire ; car lorsque lâĂąme est morte, plus rien ne peut vivifier lâĂȘtre Monsieur Ouine, dont la curiositĂ© dĂ©moniaque, lâavide dĂ©sir de percer le secret des Ăąmes, a causĂ© le dĂ©sespoir et/ou la mort de plusieurs personnes, dĂ©couvre au moment de mourir non pas quâil nâa rien, comme lâabbĂ© Chevance, mais quâil nâest rien, quâil est vide » [E]st-ce possible ? Je me vois maintenant jusquâau fond, rien nâarrĂȘte ma vue, aucun obstacle. Il nây a rien. Retenez ce mot rien ! » Mais lâĂȘtre ne peut vivre ainsi, et Monsieur Ouine ajoute presque aussitĂŽt Jâai faim. ⊠Je suis enragĂ© de faim, je crĂšve de faim. ⊠On ne me remplira plus dĂ©sormais. ⊠HĂ©las ! quâeussĂ©-je partagĂ© ? Je dĂ©sirais, je mâenflais de dĂ©sir au lieu de rassasier ma faim, je ne mâincorporais nulle substance, ni bien ni mal, mon Ăąme nâest quâune outre pleine de vent. ⊠Je nâai mĂȘme pas un remords Ă lui jeter pour tromper sa faim âŠ. Au point oĂč je me trouve, il ne me faudrait pas moins de toute une vie pour rĂ©ussir Ă former un remords. ⊠Toute une vie, une longue vie, toute une enfance⊠une nouvelle enfance. ⊠Je ne puis dĂ©jĂ plus rien donner Ă personne, je le sais, je ne puis probablement plus rien recevoir non plus » Monsieur Ouine, OR, p. 1552-1555. Tant dâhommes naissent, vivent et meurent sans sâĂȘtre une seule fois servis de leur Ăąme ». La fidĂ©litĂ© Ă lâenfance est au contraire une fidĂ©litĂ© au don de soi et Ă la capacitĂ© de tout recevoir sans jamais sâapproprier le don reçu. Câest le miracle des mains vides » dont parle le petit curĂ© dâAmbricourt, qui permet de donner Ă chacun ce dont il a besoin alors mĂȘme quâon pense ne pas le possĂ©der pour soi. Il permet de faire face », selon lâexpression favorite de Bernanos, Ă la fois Ă la monotonie du quotidien et Ă lâextraordinaire dâĂ©vĂ©nements dĂ©routants, jusquâau plus important de tous, la mort Jâentends bien quâun homme sĂ»r de lui-mĂȘme, de son courage, puisse dĂ©sirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce quâelle pourra, rien de plus. ⊠Car lâagonie humaine est dâabord un acte dâamour. ⊠Pourquoi mâinquiĂ©ter ? Pourquoi prĂ©voir ? Si jâai peur, je dirai jâai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque mâapparaĂźtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure ! » Journal dâun curĂ© de campagne, OR, p. 1256. Car la suave enfance monte la premiĂšre des profondeurs de toute agonie » Monsieur Ouine, OR, p. 1428. Se jetant Ă corps perdu dans la vie, au contraire de tous ceux qui autour dâeux prĂ©fĂšrent les demi-mesures, les abdications discrĂštes, les renoncements silencieux, les enfants », les saints de lâĆuvre bernanosienne ne renoncent jamais, car il nâest dâautre mesure pour lâhomme que de se donner sans mesure Ă des valeurs qui dĂ©passent infiniment le champ de sa propre vie » Lettre aux Anglais, EEC, t. II, p. 58. LâĂ©preuve les frappe comme tout un chacun, mais ils lâenveloppent en quelque sorte de la douceur de lâimpuissance convaincus quâils ne peuvent rien par eux-mĂȘmes, ils sâen remettent Ă Dieu et ne se prĂ©occupent pas dâĂȘtre ou non des tĂ©moins, des modĂšles ou des objets de scandale la mort du curĂ© dâAmbricourt chez son ancien collĂšgue de sĂ©minaire, prĂȘtre dĂ©froquĂ©, malade vivant en concubinage avec une pauvre fille, son ancienne infirmiĂšre peut bien sembler dĂ©concertante aux yeux des bien-pensants, elle est le lieu oĂč le prĂȘtre accomplit pleinement sa vocation, oĂč il se rĂ©concilie » dĂ©finitivement avec lui-mĂȘme, avec cette pauvre dĂ©pouille » Journal dâun curĂ© de campagne, OR, p. 1258. Car Ce nâest pas lâĂ©preuve qui dĂ©chire, câest la rĂ©sistance quâon y fait. Je me laisse arracher par Dieu ce quâil voudrait que je lui donne. ... Certes, je nâignore point que Dieu me veut tout entier, et jâai toujours quelque chose Ă lui dĂ©rober, je ruse avec lui risiblement. Câest comme si je voulais Ă©viter son regard, quâil a si fermement posĂ© sur moi, pour toujours. Au premier signe de soumission, tout sâapaise. La douleur a retrouvĂ©, dedans, son Ă©quilibre » aoĂ»t 1918. En dĂ©finitive, nous sommes nous-mĂȘmes lâĂ©preuve quâil nous faut courir. Le curĂ© dâAmbricourt reconnaĂźt au moment de sa mort Il est plus facile que lâon croit de se haĂŻr. La grĂące est de sâoublier. Mais si tout orgueil Ă©tait mort en nous, la grĂące des grĂąces serait de sâaimer humblement soi-mĂȘme, comme nâimporte lequel des membres souffrants de JĂ©sus-Christ » Journal, OR, p. 1258. Ces propos rejoignent ceux des Enfants humiliĂ©s, Ă©crits presque en mĂȘme temps La difficultĂ© nâest pas dâaimer son prochain comme soi-mĂȘme, câest de sâaimer assez pour que la stricte observation du prĂ©cepte ne fasse pas tort au prochain » EEC, t. I, p. 827. Contre lâĂ©preuve que nous sommes Ă nous-mĂȘmes, il nâest dâautre remĂšde, pour Bernanos, que de sâen remettre Ă Dieu de toute chose, en Ă©vitant Ă tout prix le mĂ©pris, en ne comptant jamais que sur cette espĂšce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou » Dialogues, OR, p. 1652. Quâimportent alors les changements, les imprĂ©vus, les humiliations de toutes sortes, les choix crucifiants⊠Lâimportant est dâavancer, toujours. Les pages de Bernanos sur la beautĂ© de la route dans Monsieur Ouine en disent quelque chose Qui nâa pas vu la route Ă lâaube, entre ses deux rangĂ©es dâarbres, toute fraĂźche, toute vivante, ne sait pas ce que câest que lâespĂ©rance » OR, p. 1409, pense Philippe. Et cette route le pousse Ă sâinterroger sur lâimportance du jour prĂ©sent âPourquoi pas demain ? Demain, il serait trop tard. Lâoccasion perdue ne se retrouvera pas. Ă vingt-quatre heures prĂšs, se dit-il avec ivresse, on perd sa vie.â Et certaine voix caressante jamais entendue, aussi terrible dans ce matin clair que lâimage de la voluptĂ© sur un visage dâenfant, soupire indĂ©finiment âPerds-la ! perds-la !â Certaine phrase, lue quelque part il ne sait oĂč, hĂ©las ! va et vient dans sa mĂ©moire avec la rĂ©gularitĂ© dâun battant dâhorloge. âQui veut sauver son Ăąme la perdra⊠qui veut sauver son Ăąme⊠qui veut sauverâŠâ Zut ! » Monsieur Ouine, OR, p. 1408-1409. Philippe renonce pourtant. Blanche de la Force, la petite sĆur Blanche de lâAgonie du Christ », qui rappelle Jeanne relapse et sainte », semble dans un premier temps assez semblable dĂ©sespĂ©rant de pouvoir surmonter sa peur, elle abandonne sa communautĂ© et fuit au chĂąteau de son pĂšre. Lorsque MĂšre Marie vient la chercher, lui rappelant le vĆu de martyre quâelle a prononcĂ©, Blanche se rĂ©fugie dans sa peur et dans le mĂ©pris quâelle inspire. Mais le malheur ⊠nâest pas dâĂȘtre mĂ©prisĂ©e, mais seulement de se mĂ©priser soi-mĂȘme », lui rappelle la religieuse, car cela incite Ă toutes les dĂ©missions et ouvre la porte au dĂ©sespoir, qui ferme, lui, tout avenir. Blanche, comme Jeanne, reviendra sur le moment de lassitude, de peur, de faiblesse, qui lui fit renoncer un temps non seulement Ă la parole donnĂ©e mais Ă la vĂ©ritĂ© quâelles entrevoyaient. La derniĂšre Ă lâĂ©chafaud », elle reprendra la priĂšre des carmĂ©lites guillotinĂ©es et, sâoffrant dâelle-mĂȘme au bourreau, portera leur priĂšre Ă son terme. Elle assumera alors, sans trop savoir comment, le don de la fidĂ©litĂ© dâune autre. Car la fidĂ©litĂ© au don de lâenfance, au don tout court, est essentielle non seulement pour soi mais pour autrui. Il faut voir lĂ une consĂ©quence de la Communion des saints, dogme essentiel pour Bernanos. De mĂȘme que nous pouvons prier les uns Ă la place des autres » Dialogues des carmĂ©lites, OR, p. 1586, de mĂȘme [o]n ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou mĂȘme les uns Ă la place des autres, qui sait ? » Dialogues, OR, p. 1613. La vie nous engage donc bien au delĂ de ce que nous pourrions imaginer ou apprĂ©hender. Câest pourquoi il est essentiel, aux yeux de Bernanos, dây faire tout son possible, dans le domaine qui est le nĂŽtre, Ă la place oĂč Dieu nous a mis » dâautres, dont nous ne saurons peut-ĂȘtre jamais rien ici-bas, dĂ©pendent de notre fidĂ©litĂ©. Son engagement littĂ©raire, sa fidĂ©litĂ© Ă sa vocation naissent de cette conviction. Qui ne dĂ©fend la libertĂ© de penser que pour soi-mĂȘme, en effet, est dĂ©jĂ disposĂ© Ă la trahir. Il ne sâagit pas de savoir si cette libertĂ© rend les hommes heureux, ou si mĂȘme elle les rend moraux. ⊠Il me suffit quâelle rende lâhomme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation dâhomme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle » La France contre les robots, EEC, t. II, p. 989. Je ne me sens pas du tout la conscience du monde », explique Bernanos Ă la fin des Enfants humiliĂ©s. Mais câest assez dire que la petite part de vĂ©ritĂ© dont je dispose, je lâai mise, ici, Ă lâabri des menteurs. Sâil ne dĂ©pendait que de moi, je voudrais lâenfouir encore plus profond, car câest Ă elle que je tiens âŠ. Jâai reçu ma part de vĂ©ritĂ© comme chacun de vous a reçu la sienne, et jâai compris trĂšs tard que je nây ajouterai rien, que mon seul espoir de la servir est seulement dây conformer mon tĂ©moignage et ma vie. Peu de gens renient leur vĂ©ritĂ©, aucun peut-ĂȘtre⊠ils se contentent de la tempĂ©rer, de lâaffaiblir, de la diluer. âIls mettent de lâeau dans leur vinâ, comme cette expression populaire me paraĂźt juste, profonde ! Mais elle ne convient pas Ă toutes les espĂšces de trahisons envers soi-mĂȘme. ⊠Je comprends de plus en plus que je nâajouterai rien Ă la vĂ©ritĂ© dont jâai le dĂ©pĂŽt, je ne pourrais mâen donner lâillusion. Câest moi-mĂȘme qui devrais me mettre Ă sa mesure, car elle Ă©touffe en moi, je suis sa prison, et non pas son autel » EEC, t. I, p. 901-902. Son journal des derniĂšres annĂ©es, son agonie et sa mort Ă nous deux ! » lui lança-t-il au dernier moment tĂ©moignent de la fidĂ©litĂ© avec laquelle il chercha Ă se rendre adĂ©quat Ă cette vĂ©ritĂ©. Bibliographie Georges Bernanos, Ćuvres romanesques, PlĂ©iade, 1962, 1992 Essais et Ă©crits de combat, t. I, PlĂ©iade, 1971, 1988 t. II, PlĂ©iade, 1995 Correspondance inĂ©dite, t. I et II, Plon, 1971 t. III, Plon, 1983 Le CrĂ©puscule des vieux, Gallimard, NRF, 1956 Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos Ă la merci des passants, Plon, 1986
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